Assohou Wanga Wenceslas

L’éradication de la torture : la conscience morale de l’humanité – entretien avec un activiste ivoirien

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Cette interview fait partie de l’initiative multimédia Voices for Human Dignity du Consortium United Against Torture. Cette initiative célèbre le 40e anniversaire de la Convention contre la Torture (1984-2024) en faisant entendre la voix des victimes de torture, des experts et des militants.

Les 16 et 17 juillet 2024, la Côte d’Ivoire a pour la première fois été examinée par le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT), un organe d’experts indépendants chargé de surveiller l’application de la Convention contre la torture. Cet examen intervient près de trente ans après la ratification de la Convention par le pays 
Assohou Wanga Wenceslas est l’ancien président de l’ACAT Côte d’Ivoire et membre du bureau international de la FIACAT, membre du Consortium United Against Torture. Il partage avec nous son parcours dans la défense des droits humains et les raisons de sa participation au CAT en tant que représentant de la société civile de Côte d’Ivoire.  
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans la défense des droits humains et dans la lutte contre la torture ? 

La protection des droits humains et l’éradication de la torture sont au cœur de la conscience morale de l’humanité. Je suis allé dans le domaine de la torture parce que je pense que c’est l’un des crimes les plus abominables qui puisse être commis. Avec mon travail, avec ma gaieté, mes relations et ma bonhomie, j’essaye d’aider en apportant un peu de souffle nouveau dans les histoires des autres. 

Quelle importance accordez-vous à donner la parole aux victimes de torture ? 

En tant que journaliste et membre de la société civile je peux dire que lorsqu’on écoute quelqu’un, même si nous n’avons pas la solution à son problème, c’est déjà lui apporter un soulagement. Cette personne souffrira davantage si on ne lui donne pas l’occasion de s’exprimer. Donner la parole, c’est aussi permettre à d’autres de ne pas vivre ce que cette personne a vécu. 

Quel est le rôle des organisations de la société civile dans la lutte contre la torture ?  

Il faut du cœur dans la lutte contre la torture et la protection des victimes et la société civile en Côte d’Ivoire joue un rôle fondamental. Nous essayons de porter les plaies des différentes victimes au grand jour, de nous faire le porte-voix de tous ceux qui souffrent en silence.   

Dans notre pays, nous avons fait des plaidoyers qui ont abouti a des bons résultats dans la protection des droits humains. Nous travaillons aussi sur l’accompagnement des victimes. Nous pensons que les victimes de torture ont besoin d’un accompagnement particulier, psychologique et médical, qui doit s’étendre sur le long terme. Ce n’est pas une guérison spontanée, mais un processus qui s’accompagne dans la durée. 

Avec l’élection présidentielle prévue en 2025, craignez-vous les risques de violations des droits humains ? 

Effectivement, puisque nous avons connu un coup d’État en 1999 et une rébellion armée en 2000, et depuis lors, il y a toujours eu des atteintes aux droits humains. Tous les cinq ans, les nouvelles élections sont un gros défi pour les Ivoiriens. Il n’y a jamais eu de simple passage de flambeau. Nous redoutons des nouvelles violations des droits humains pendant les élections de 2025 et c’est pour ça que nous sommes venus au CAT en tant qu’organisation de la société civile pour tirer la sonnette d’alarme

Quelles étaient vos attentes concernant la session du CAT examinant la Côte d’Ivoire ? 

Nous espérons que cet examen auras permis de mettre en lumière les progrès réalisés, tout en identifiant les domaines où des améliorations sont encore nécessaires en Côte d’Ivoire. 

Nous souhaitons que notre gouvernement continue à travailler sur l’amélioration des conditions de détention, en particulier en ce qui concerne la surpopulation carcérale qui atteint aujourd’hui 266%. Il est important que les autorités appliquent le code pénal ivoirien, qui respecte les normes internationales, notamment les règles Mandela, fondées sur l’obligation de traiter tous les détenus avec respect et d’interdire absolument la torture. 

Nous voulons qu’aujourd’hui la Côte d’Ivoire puisse prendre une loi spéciale, non seulement pour définir qui est victime de torture mais aussi comment les aider à guérir. Nous espérons aussi que le gouvernement continuera à soutenir les victimes de torture et amplifiera ce soutien à l’avenir. 

Comment le projet “Une MAC, une bibliothèque” contribue à améliorer les conditions de détention ? 

Ce projet vise à créer des bibliothèques dans les prisons ivoiriennes pour contribuer à l’éducation et la réinsertion des détenus. L’idée est née après avoir rencontré des détenus souhaitant étudier et obtenir leur diplôme, mais manquant de livres. Nous avons commencé par équiper quatre maisons d’arrêt, et aujourd’hui 25 des 41 établissements pénitentiaires du pays ont une bibliothèque grâce au soutien de nos partenaires. Notre prochain objectif est de couvrir toutes les prisons d’ici la fin de l’année.  

Quel message voulez-vous transmettre aux jeunes générations qui souhaitent s’engager dans la lutte contre la torture ? 

Il y a de l’espoir pour la société ivoirienne. Nous ne pouvons pas arriver à un monde complètement dénué de tension, mais à chaque fois nous avançons. Il y a eu la ratification par la Côte d’Ivoire de la Convention contre la torture en 1995, puis l’adhésion à son Protocole facultatif en 2023. 

 Chaque jour nous accomplissons un peu plus, et même si c’est un petit pas, c’est un pas de géant que nous accomplissons. Je sais que dans un avenir proche la Côte d’Ivoire sera sur la bonne voie.  

Ce contenu a été produit pas l’UATC, le consortium #UnitedAgainstTorture (OMCT, IRCT, FIACAT, APT, OMEGA et REDRESS), financé par l’UE. Le contenu relève de la seule responsabilité de l’UATC et ne reflète pas nécessairement la position de l’UE.