Journee internationale des victimes de disparition forcee: il est temps que les etats africains mettent fin a cette pratique
A l’occasion de la Journée des victimes de disparition forcée, cinq organisations de défense des droits de l’homme appellent les Etats africains à cesser d’avoir recours aux disparitions forcées et à garantir justice et réparations pour les milliers de victimes en Afrique.
Depuis des décennies, des milliers de personnes, notamment opposants politiques, défenseurs des droits de l’homme, activistes et membres de minorité ont disparu en Afrique, alors qu’un climat d’impunité prévaut. Parmi les victimes, les disparus de la guerre civile en Algérie durant les années 1990, les personnes disparues durant les quarante-deux ans du régime de Muammar Kadhafi, pendant la présidence d’Omar al-Bachir au Soudan et sous Robert Mugabe au Zimbabwe. La pratique continue aujourd’hui et ce crime odieux est perpétré principalement par des agents de l’Etat et des milices affiliées aux Etats.
Confrontées à des manifestations d’ampleur nationale contre le government, qui ont conduit à l’éviction d’al-Bachir en avril de cette année, les forces de sécurité nationale du Soudan et les forces para-militaires soutenues par le gouvernment ont continué d’utiliser cette pratique pour “préserver la sécurité nationale”. En Libye, depuis 2011, les milices ont fait disparaître des milliers de personnes pour leur opinion politique réelle ou supposée, leurs liens tribaux, leur appartenance à une “organisation terroriste”, ou par appât du gain. Le sort de la femme politique et défenseur des droits de l’homme libyenne Seham Sergewa reste inconnu depuis qu’elle a été enlevée de sa maison à Benghazi le 17 juillet 2019 pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions.
Malgré le caractère répandu et systématique des disparitions forcées en Afrique, seulement 16 des 54 Etats africains ont ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF). La CIPPDF est le principal traité des droits de l’homme qui vise à prévenir les disparitions forcées, révéler la vérité lorsqu’elles se produisent et garantir que les survivants et familles de victimes obtiennent justice, vérité et réparations.
L’Algérie n’a pas ratifié la CIPPDF et n’est pas soumise à ses obligations, alors que plus de 7000 personnes ont été victimes de disparitions forcées durant la guerre civile algérienne de 1992 à 1998. Suivant la fin de la guerre civile, le président Abdelaziz Bouteflika a offert une amnistie totale aux membres des forces de sécurité responsables d’avoir perpétré des disparitions forcées et d’autres violations graves des droits de l’homme durant la décennie de guerre. La Libye, le Soudan et le Zimbabwe ne sont pas non plus Etats parties à la CIPPDF.
“Les disparitions forcées ont détruit et continuent de détruire des milliers de vies en Afrique. Il est temps que les Etats africains s’opposent au climat d’impunité qui a permis à ce crime odieux de se propager. Les Etats non-signataires doivent signer et ratifier la CIPPDF, et remplir leurs obligations sous la convention” ont déclaré les cinq organisations.
Les cinq organisations, qui collaborent pour prévenir et éradiquer les disparitions forcées dans la région et permettre aux victimes de disparitions forcées d’obtenir justice, appellent les Etats africains,- particulièrement l’Algérie, la Libye, le Soudan et le Zimbabwe- à :
- Devenir Etat partie à la CIPPDF et reconnaître la compétence absolue du Comité sur les disparitions forcées d’accepter et d’examiner des communications de victimes, ou établies au nom des victimes et d’autres Etats parties.
- Reconnaître les disparitions forcées comme un crime dans la législation nationale avec une définition en conformité à la CIPPDF, et établir des sanctions adéquates, reconnaissant la gravité du crime;
- Reconnaître l’utilisation des disparitions forcées sur leur territoire et donner des instructions claires pour que les disparitions forcées ne soit plus tolérées et que ceux qui commettent ce crime soit poursuivis en justice et tenus responsables;
- Enquêter sur les crimes de disparitions forcées et contraindre les responsables à rendre des comptes ;
- Assurer que les survivants et les familles de victimes reçoivent des réparations, notamment compensation, réhabilitation, restitution et garantie de non-répétition
- Prendre des mesures effectives pour prévenir les disparitions forcées;
- Révoquer toute loi d’amnistie ou autre loi qui faciliterait les disparitions forcées et l’impunité.
Les cinq organisations sont l’African Centre for Justice and Peace Studies (ACJPS), le Collectif des Familles de Disparu(e)s en Algérie (CFDPA); Lawyers for Justice in Libya (LFJL); REDRESS et Zimbabwe Lawyers for Human Rights (ZLHR). Leur approche est centrée sur les victimes et elles collaborent pour apporter justice et soutien aux victimes et à leurs familles dans les quatre pays concernés. Elles ont aussi pour objectif d’alerter l’Union africaine et les gouvernements en question sur la question des disparitions forcées. Ces efforts visent à développer les standards africains pour la prévention de ce crime et à donner aux familles les moyens d’obtenir justice.
Pour plus d’information ou une interview, veuillez contacter:
- Eva Sanchis, Directrice de la Communication de REDRESS, au +44(0)20 7793 1777 ou [email protected].
- Linda Patumi, Chargée de la Communication à Lawyers for Justice in Libya (LFJL), au +44 (0)20 7609 6734 ou [email protected]
Notes pour les éditeurs
- La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF) est entrée en vigueur le 23 décembre 2010. 98 pays ont signé la CIPPDF et 60 sont devenus Etats parties. 16 Etats africains sont parties à la Convention : le Burkina Faso, la République de Centrafrique, le Gabon, la Gambie, le Lesotho, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, les Seychelles, le Togo, la Tunisie et la Zambie.
- La definition des disparitions forcées : Selon la CIPPDF, on entend par disparition forcée l’arrestation, la détention secrète ou l’enlèvement par l’État ou par un tiers qui agit avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État. L’Etat refuse ensuite de reconnaître le sort de la personne disparue ou le lieu où elle se trouve, la soustrayant ainsi à la protection de la loi.
Photo © Christian Als/Panos Pictures.